samedi 26 septembre 2009

Saskia

Saskia est ma roommate. Une ex-est-allemande qui n'a peur ni de la bière ni du froid. Elle étudie l'art, elle joue du violon, elle parle russe et roumain (et anglais, heureusement pour moi).

Comme une allemande, elle prend de solides petits déjeuner (pain, beurre, tomates, fromage : je ne m'y ferai jamais) pendant que je grignote mes céréales sans lait. Elle a une discipline de fer : toujours en cours (ou à des conférences, séminaires, expositions, théâtre, opéra...), au fitness club 3 fois par semaine, et elle mange plein de légumes. Elle est aussi super écolo : elle fait sa lessive avec des noisettes (je ne sais pas comment ça marche, mais ça marche) qu'elle commande sur Internet.

Comme une est-allemande, elle boycotte tout ce qui vient d'Amérique (sauf les américains, on est quand même pas racistes^^) : quand elle m'envoie acheter de l'eau, elle précise de ne pas prendre les marques qui sous-traitent Coca-Cola et Pepsi. Et elle n'a jamais froid : elle aime laisser la fenêtre ouverte le matin, quand il fait 5° dehors (mais c'est toujours négociable^^).

Comme une vingtenaire, c'est une bonne vivante : elle aime le chocolat, les waffels, elle garde une bouteille de vin sous son bureau et des bières au frigo.

Comme moi elle déteste les poufs anglaises du 9ème (ou Paris Hilton en vacances à Moscou).

Ensemble on essaye de cuisiner des trucs mangeables (souvent des pelmenis avec plein de crème^^) dans notre cuisine spartiate (quand je pense qu'au 7ème ils ont un four, les bourgeois !).


Sinon la vie suit son cours à l'obshegitie. Ce week-end, les américains/belges/allemands sont partis à Smolensk. C'est calme. C'est le pied.


Il y a quelques jours est arrivée une nouvelle québécoise. Elle est venue frapper à ma porte en me disant : "il paraît que c'est toi qui connaît le code du Wifi".
Genre, c'est moi qui deal Internet.
J'aurais dû la faire payer tiens.

vendredi 18 septembre 2009

Virus russe et russes dans ma classe

La promiscuité du métro à l'heure de pointe et la vaisselle douteuse de l'obshegitie ont des petits inconvénients : en début de semaine, j'ai chopé un p***** de virus russe super coriace.
Tellement coriace qu'il résiste aux médocs contre le rhume que j'ai ramenés du Québec (avec précisé "extra-fort" sur la boite : 5 minutes après en avoir pris un, ça sent l'eucalyptus dans ton nez)

Suivre les cours quand on est un peu fiévreux, c'est une chose (de toute façon, même en bonne santé j'y comprends pas grand chose à ces cours tout en russe). Donner les cours, ça en est une autre.

Donc ce matin, mon rhume et moi on a donné notre premier cours de français à des petits étudiants russes.
Déjà il a fallu trouver la salle : entrer par la porte du local à poubelles, descendre un étage (donc bienvenue au sous-sol), et là découvrir que l' "аудитория 3" est en fait un espèce de placard à balais avec des chaises (dans un sens, c'était un peu rassurant).
Après, il a fallu trouver la clé de la salle. La babouchka avait pas l'air très décidée à me faire confiance (comment, j'ai pas une tête de prof ?). Finalement elle nous a laissés entrer, mais elle ouvrait la porte toutes les demi-heures pour vérifier qu'on faisait pas de bêtises.

Donc on a enfin pu commencer à travailler. Mes élèves étaient décidément très curieux :
"Tu viens de Paris ? Est-ce qu'il y a beaucoup de discothèques à Paris ?"
"Non, je viens de Marseille"
"Est-ce qu'il y a beaucoup de discothèques à Marseille ? Tu aimes aller en discothèque ? Est-ce que tu aimes l'alcool ?" (véridique^^)

Mais sinon, ils sont mignons. En plus, ils sont tout petits (18 ans). (les russes sont un peu précoces à l'université je crois^^). Par contre je crois qu'ils m'ont un peu maudite de leur faire traduire un article de La Provence sur les inondations à Marseille... bon, la prochaine fois on fera un extrait du Petit Nicolas, ça sera mieux.

Ah, et sinon ils m'ont assuré que le Lenine qui est dans le mausolée ne serait en fait pas le vrai mais son deuxième clone... ils me font marcher là ?^^



"Nature morte" (encore un détail de ma chambre... ça avait l'air d'en intéresser certain(e)s^^)

dimanche 13 septembre 2009

Couvre-feu

A l'obshegitie, on a un couvre-feu : si tu arrives après une heure du mat', tu dors dehors.
Les petits étudiants étrangers ont bien compris : comme ils ne peuvent pas traîner dans les bars à des heures indécentes, ils boivent dans les étages. Malins.
Ça, c'est pour les ivrognes de base.

Sinon, pour les gens normaux comme ma roommate, qui sortent gentiment le samedi soir et rentrent raisonnablement joyeux à une heure raisonnablement avancée, il y a la méthode russe : la corruption.
C'est comme ça qu'elle a traité avec le mec en uniforme qui roupille devant la télé à côté de la porte de l'université : il l'a laissée entrer après l'heure réglementaire, mais en la prévenant que la prochaine fois ça lui coûterai une bouteille de vodka.

L'ennui, c'est que la prochaine fois, c'était le lendemain, et elle n'avait pas plus de bouteille de vodka sous la main.
Alors elle a tenté la méthode casse-cou : elle a escaladé le portail (qui doit bien faire 2,50m, tout lisse avec des piques en haut). Le dit-portail étant situé juste devant une des nombreuses petites cabanes de policiers habitées 24h/24 bien-sûr.
Et le pire, c'est qu'elle a réussi. Mais pas totalement. Parce qu'une fois entrée dans la cour de l'université, il faut encore pouvoir entrer dans le dortoir. C'est là que j'entre en scène.

Donc, un samedi soir, ou plutôt un dimanche matin, vers 2h30, mon portable a sonné (me tirant d'un doux rêve où la police dressait des gros chiens pour attaquer les gens qui font des fautes en parlant russe^^). Au bout du fil, ma roommate, me demandant très gentiment si je pouvais descendre la chercher en bas du dortoir. Donc je suis descendue, j'ai essayé de lui ouvrir la porte, et là je me suis aperçue que le couvre-feu ne nous interdit pas seulement de rentrer après l'heure, mais aussi de sortir^^ Autrement dit, la porte était fermée. J'étais presque sur le point de paniquer quand j'ai entendu cogner à la fenêtre. Bien-sûr, la méthode casse-cou...
Donc j'ai enlevé le pot de fleurs, les rideaux, on a tiré, poussé, et cette maudite fenêtre a fini par s'ouvrir (tout ça dans la plus grande discrétion bien-sûr^^). On avait à peine fini de tout remettre en place quand on a entendu un petit grincement de porte...
"Девушки !"

Et merde, la babouchka. Tout ce qu'on a trouvé à lui dire c'est :
"On va se coucher, là, tout de suite !"
(bien-sûr, toutes habillées, à 3h du mat' dans le couloir de l'administration, non mais c'est logique)

Donc maintenant on va devoir revenir à la méthode russe : offrir du chocolat à la babouchka en échange de son silence.

jeudi 3 septembre 2009

Obshegitie

Littéralement, l'obshegitie, c'est l'endroit où on vit en communauté. En ce sens, ça porte bien son nom.
Mais dans la vraie vie, pas celle des livres et des dictionnaires, l'obshegitie, ça implique plein d'autres réjouissances.
Comme une roommate allemande qui veut dormir la fenêtre ouverte (pour l'instant c'est son seul défaut^^), et là il faut se mettre dans le contexte : à Moscou, les travailleurs kazakhs travaillent jour et nuit. Donc le marteau piqueur à 1h du matin, c'est parfaitement possible (surtout qu'à l'université ils font les choses bien : ils commencent les travaux avant la rentrée. Oui, 3 jours avant). Sinon, il y a la salle de bain : pour un étage d'une vingtaine de personnes, on a une douche, et un chiotte. Yep.
Et enfin la cuisine, toujours pour cet étage, on a une table, 5 chaises et un frigo. (heureusement que les québécois mangent à 17h, ça fera moins bouchon^^).

L'avantage, c'est qu'il y a toujours quelqu'un. Quelqu'un pour t'accompagner chez le vendeur de cartes SIM (oui, c'est son métier^^), te donner le code du réseau wifi que tout le monde utilise tout à fait illégalement, pour te montrer où est le bureau de la seule personne de l'université qui parle français ou pour partager tes courgettes à la crème.
L'inconvénient, c'est qu'il y a toujours quelqu'un. Quelque-un pour tituber dans le couloir à 3h du mat' en chantant, pour vomir dans la douche à cause du mélange explosif bière/vodka, ou pour laisser macérer dans l'évier notre seule poêle (et celui qui veut l'utiliser n'a qu'à la laver, et ainsi de suite^^).
Et là, je parle juste des étudiants.

Parce qu'il y a une autre forme de vie dans les obshegitie. Une espèce à la fois terrifiante et indispensable à l'équilibre de l'écosystème : les babouchkas.
Celles qui entrent dans ta chambre sans frapper alors que tu y es, te faisant friser l'arrêt cardiaque. Celles qui t'engueulent en russe, et qui recommencent encore plus fort, encore plus vite si tu dis que tu ne comprends pas. Celles dont tu ne sais jamais si elles sont en train de dire un truc gentil (ou pas trop méchant) ou si elles sont prêtes à te tuer.

Hier, on a eu l'occasion d'apprendre à les connaitre mieux. En effet, on avait décidé d'aller demander des rideaux, parce qu'on a deux grandes fenêtres et que le jour nous réveille trop tôt (et que toutes les chambres de l'étage en ont, sauf la notre). Simple, me direz vous.
Vous apprendrez qu'ici, rien n'est simple :
(on a appris comment dire rideau en russe, puis on a plongé dans l'arène)
"Des rideaux ? Non, désolée, on en a pas. Peut-être que la semaine prochaine on en aura"

Et là, ma roommate a sorti l'argument de la mort :
"Oui mais elle (moi) a été opérée des yeux, la lumière du jour la gêne !"
(les allemands ont vraiment le sens pratique, tous les coups sont permis^^)
"Bon, revenez à midi, on va vous apporter une nouvelle armoire"
(vous avez bien lu)

Bien entendu, à midi, je n'ai trouvé personne. Par contre, vers 13h, des travailleurs kazakhs (encore eux^^) ont débarqué à notre étage, portant sur leur dos de jolies armoires neuves.
Là-dessus, ils ont commencé à sortir toutes les grosses et vieilles armoires soviétiques des chambres, et à mettre les armoires Ikea à la place.
Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que le but de l'esprit capitaliste n'est pas de vendre des armoires dans lesquelles tu peux ranger beaucoup d'affaires, mais de vendre plus d'armoires. Ainsi, moins de 10 minutes après le changement, les américains étaient déjà en train de pleurer dans le couloir parce que toutes leurs fringues ne rentraient pas dans les nouvelles armoires. Alors les babouchkas ont pris la décision qui s'imposait : elles ont demandé aux travailleurs kazakhs d'enlever les armoires Ikea et de remettre en place les vieilles armoires soviétiques. Deux heures plus tard, c'était comme si il ne s'était rien passé.
Mais quand même, tout ça à cause de nos rideaux. (qu'on a fini par avoir en fin d'après-midi, maintenant on a de très beaux rideaux rouges qui rendent notre chambre très cosy)

(vous pouvez remarquer dans le coin la fameuse armoire soviétique. Elle n'a plus de portes mais elle plait aux américains)

En bonus je vous met un gros plan de ce que je préfère dans cette chambre...