vendredi 4 novembre 2011

Celle qui avait scrapbooké son bureau

Cet article, pour être compréhensible, nécessite un léger flash-back.

Il y a une dizaine de jours, le Régis (mon logeur, CF) m'accroche dans la cuisine et me dit avec un air de chat qu'on aurait jeté dans le bain :
- "Manon ? Bon, ces derniers temps je ne me sens plus ici comme si c'était MA maison"

Ce à quoi j'ai répondu promptement :
-"C'est normal, c'est pas juste TA maison" (étant donné que mon coloc et moi payons chaque mois 75% de TON loyer).

C'était pas la réponse qu'il avait envie d'entendre apparemment. Il a donc répondu (dixit) :
-Ouai I know hein. Quoi qu'il en soit, si c'est pas trop te demander, je vais te demander de quitter pour le 1er décembre"

Connard. Non, c'est pas trop demander. J'ai même fait MIEUX : j'ai "quitté" pour le 1er novembre. Avec le coloc. (ça a dû lui rafraîchir la mémoire sur "ce que c'est que payer un loyer". Vieux con)

Tout ça pour dire qu'en deux temps trois mouvements, on avait trouvé un nouvel appart, sur la même rue que chez Régis, genre 500 mètres plus loin.
Le problème, c'est que c'est un appart VIDE.
Car chez Régis, on utilisait bien confortablement les affaires de Régis. Les meubles, les couvertures, les assiettes, le grille-pain, tout quoi. Mieux que ça, on avait même pas le droit d'introduire quoi que ce soit de nouveau qui ne soit pas à Régis (sans doute que ça aurait représenté une perte de contrôle insupportable sur son espace de vie que d'introduire une tasse étrangère à sa maison depuis moins de 10 ans).

On a donc emménagé dans ce nouvel appart sans une fourchette, mais avec l'âme bien légère à l'idée qu'on ne nous enverrai plus d'e-mails dans ce genre là :
(certifié absolument véridique, couleurs comprises)

"Manon,

Si tu ne veux plus essuyer ta vaisselle après l'avoir lavée, c'est correct, mais, pourrais-tu simplement ne rien laver et la déposer dans le lave-vaisselle. J'ai acheté cet appareil notamment parce que je n'aime pas voir la vaisselle en continuité sur le comptoir. "


"Manon, Tristan,

Une des chattes (la grise) a été oubliée dehors sur le balcon arrière, hier soir. Je l'ai retrouvée, lorsque je suis revenu vers minuit.Je sais que ce n'est pas de votre responsabilité que de vous occuper de mes chats, mais ça fait 3 fois que cela arrive et ça m'inquiète pour le temps froid qui s'en vient.

Je ne sais trop quoi faire pour vous faire penser de jeter un coup d'oeil pour voir s'il n'y a pas un chat resté dehors au moment où vous refermez la porte. Avez-vous des idées ?

***

Je vais quitter jeudi pour quelques jours pour la campagne. Je peux demander à mon amie Lina de passer quotidiennement pour s'occuper de la bouffe et de l'eau dans l'arrosoir pour les chats. Sinon, si c'est ok qu'un de vous s'en occupe, ce serait apprécié. Je vais attendre votre réponse.

***

Enfin, je me doute bien que vous profiterez de mon absence pour inviter des amis à la maison. Ce n'est pas supposé se produire, mais quand les chats sont partis.... Comme j'ai des yeux tout autour, avec mes amis qui sont aussi mes voisins, je sais tout ce qui se passe chez moi, alors autant jouer franc jeu pour que ce soit agréable, mature et responsable.

Cela étant, je vous permet d'inviter quelques amis aux conditions suivantes : AUCUNE CIGARETTE n'est permise à l'intérieur de l'appartement. Il y a un petit cendrier rouge dans le haut de l'armoire à droite du frigo. SVP, l'utiliser au lieu d'écraser les cigarettes sur le balcon et de les jeter sur le terrain. Bien s'assurer que les cigarettes sont éteintes avant de jeter le cendrier dans la poubelle (et non dans la toilette). Deuxièmement, s'il se brise quelque chose ou si quelque chose disparaît, vous serez responsable de le réparer, de le remplacer ou de le rembourser (si ça ne se trouve plus). Troisièmement, en aucun temps, vos invités sont autorisés à descendre chez-moi, au sous-sol. C'est mon coin privé. J'apprécie votre compréhension et votre collaboration à ce sujet. Et, évidemment, le civisme pour les voisins (et votre co-loc) s'appliquent en tout temps (pas de bruit après 23h00). Enfin, et sur ça aussi je suis très confiant, on ramasse tout après..."


(autant vous dire qu'on s'est bien gardés d'inviter une bande de potes ce week-end là, et que le seul interdit qu'on ait bravé est d'utiliser le Scrabble de Régis pour faire une partie dans le salon. J'espère que les voisins nous ont pas vus, tellement on est des terroristes)

(ok, c'était peut-être moi qui l'avait enfermé dehors son chat obèse... Mais aussi, il est gris sur un balcon gris quoi)


Nous avions donc l'âme légère mais les jambes lourdes du déménagement, et rien pour nous asseoir, ni nous coucher d'ailleurs. Après un petit tour dans un entrepôt de matelas de fin de série (avec livraison gratuite à 10h du soir par des indiens payés au black qui peuvent trimballer seuls des matelas deux places sur leur dos au 3ème étage), on est allés chez Dollarama (la Foirfouille locale) pour quelques ustensiles de survie (genre fourchettes), puis chez Emmaüs pour d'autres ustensiles de survie (un fouet pour la pâte à crêpes, etc.).

La seule chose vraiment indispensable que j'avais pas encore trouvée s'est offerte à moi un beau matin le lendemain de mon emménagement, alors que je revenais du supermarché, où j'étais allée à jeun me trouver de quoi déjeuner. Je trimballais donc mes sacs Super C pleins de jus d'orange et de céréales, quand je l'ai aperçu : un bureau abandonné sur le trottoir.

Après de brèves mesures à l'aide d'un instrument qu'on a toujours sous la main (en l’occurrence, un bras), j'ai décidé que ça valait la peine de le ramener et de prendre la chance qu'il rentre entre la porte de ma chambre et celle de ma penderie (oui, car dans notre nouvel appart, et notamment ma chambre, tout rentre au centimètre). Et le miracle se produisit : il rentra.

Le dernier problème avec ce bureau était son état physique de décomposition avancée. Je suis donc retournée au Dollarama visiter le rayon scrapbooking (une branche assez étrange des arts plastiques consistant à représenter sa vie à l'aide de collages de papiers et d'objets divers. Un sociologue dirait sans doute que cette activité est symptomatique de l'individualisation et du recentrement sur soi caractéristiques de nos sociétés, au même titre que l’essor du développement personnel et du yoga. Peut-être même que c'est là un héritage de l'éthique protestante qui implique un rapport individuel à Dieu et la culture de l'espace intérieur... STOP, on s'éloigne). Je vais juste me contenter de vous offrir en pâture le résultat :


(On ne rit pas siouplait. Si vous pensez pouvoir faire mieux, vous êtes tous invités à vous y essayer sur mon bô bureau :))